Les Capcorsins d’ailleurs
C’est en 2005 qu’Enrique Vivoni et ses étudiants portoricains arpentent les villages du Cap en quête de connaissances sur les « maisons d’Américains ». En quoi consiste son projet ? Quels sont les bénéfices que la région pourrait en tirer et les inévitables blocages qu’une telle démarche implique ?
Enrique Vivoni est portoricain et capcorsin d’origine ou plus exactement Siscais. Il est aussi professeur d’architecture à l’Université de Porto Rico. Tous les ans, il vient passer trois mois dans le Cap avec un groupe d’étudiants à étudier et enrichir ses connaissances sur les maisons des « Américains ». En 2010, un de ses étudiants a soumis à la commune de Rogliano un projet de réhabilitation de la Maison Mariani. Le but ? En faire un Centre pour l’Etude de l’Immigration corse. « Le projet stagne. La commune a toujours la volonté de l’acquérir mais nous nous heurtons à un problème d’indivision : un des héritiers n’est pas joignable », explique Dominique Luigi, deuxième adjointe à la mairie de Rogliano. A Pino, le même type de projet a été élaboré pour le château Piccioni. Pour Francis Marzoti, le maire, « il s’agit avant tout d’une proposition faite dans le cadre d’un projet universitaire. Tout dépend maintenant de la volonté du propriétaire et des pouvoirs publics. »
Entretien avec Enrique Vivoni
En quoi consiste votre programme d’études ?
« En 2006, nous avons soumis à l’Assemblée de Corse un document intitulé Proposition pour l’Etude de l’Héritage bâti du XIXe siècle en Corse et le projet a concrètement démarré en 2007. Dans ce cadre, nos étudiants en architecture participent chaque été au Programme d’Etudes Corses (PEC), en collaboration avec l’université de Corte, qui vise l’étude des « maisons américaines » construites en Corse au XIXe siècle et au début du XXe siècle. Le PEC consiste à élaborer un inventaire des propriétés, identifier chaque propriétaire, ou encore définir le contexte général de la situation socio-historique de l’époque. Cette convention avec l’université de Corte étant arrivée à son terme, la seconde phase du projet a été possible grâce à une convention passée avec la mairie de Bastia et le Service du Patrimoine. La troisième phase du Programme s’est conclue par une exposition au Musée de Corte (2017). Elle comprenait la présentation du travail effectué au cours de ces années par 80 étudiants en architecture et dix professeurs sur environ 80 habitations : communes de Santa Maria di Lota (2007), Rogliano et Tomino (2008), Centuri (2009), Ersa et Morsiglia (2010), Pino (2011), Luri et Sisco (2012).
A terme, quel est l’objectif d’un tel programme ?
Avec la compilation du matériel historique, tel que les lettres, les photos, le matériel d’archives public et privé, il est possible d’établir dans chaque commune du Cap un Centre pour l’Étude de l’Immigration corse (CEIC), multilingue (corse, français, espagnol et anglais). L’existence de ces centres pourrait attirer beaucoup de descendants de Corses qui ne connaissent pas leur village d’origine et qui désireraient retrouver leurs racines. Le CEIC attirerait un tourisme à caractère culturel, il conférerait une dimension concrète à l’identité de ces portoricains descendants des diasporas corses du passé. »